"J’ai vécu à la rue pendant 10 ans, aujourd’hui je me sens à l’abri. Ma priorité maintenant, c’est retourner dans la vie. " Ludovic

Passer 1 nuit à la rue nous parait insurmontable, on peine à imaginer y vivre 10 ans. Nous sommes heureux de pouvoir accueillir Ludovic dans un logement-tremplin à Bordeaux ! Nous lui souhaitons une bonne installation, à lui ainsi qu’à ses compagnons à 4 pattes. 

Survivre la tête haute

“Je m’appelle Ludovic, j’ai 44 ans. Avant j’étais chef d’entreprise, puis j’ai fini à la rue. J’y ai vécu pendant 10 ans. Le vent, la pluie, je me demande comment j’ai fait... Même si on est bien, on a un appart, un travail, ça peut arriver à n'importe qui du jour au lendemain, il ne faut pas juger les gens parce qu’on ne sait pas ce qui leur est arrivé. Et pourtant j'en ai connu beaucoup, des regards méprisants.  

Dans la rue, on perd pas mal de potes par la maladie, entre autres. J'ai un copain qui est décédé, il est resté 2 jours sous sa couette dans une rue très passante et personne ne s'est arrêté. C'est nous qui nous sommes inquiétés. C'est ça, l'invisibilité. Dans ces 10 ans à la rue, je ne suis jamais allé dans des hébergements d’urgence parce que j’avais mes chiens. Et puis j’ai des collègues qui y sont allés, et qui ont préféré rester à la rue. Faut pas rêver, les foyers c’est souvent des bagarres, de l’insalubrité...  

Mais même dans la galère faut se lever, avoir la tête haute, comme Claudio Capeo !  

Une hospitalisation, puis l'espoir d'une nouvelle vie

J’ai connu Toit à Moi en sortant de l’hôpital. J’étais hospitalisé durant près de 2 mois, on m’a détecté une cirrhose. J’étais dans l’incapacité de retourner vivre dehors. Soit, je retournais dans la rue et on ne me donnait pas 1 an d’espérance de vie, soit je trouvais une solution, un hébergement. C’était vital. Alors on m’a présenté plusieurs associations, et Toit à Moi avait un logement disponible à Bordeaux et a accepté mon dossier.  

J’ai un toit depuis 1 mois, et je m’y sens bien ! C’est un T2 dans un quartier central, j’ai une chambre, une cuisine, de la place pour mes chiens qui m’ont suivi (évidemment !). Le logement fait 35m², récent, tout a été refait.   

C’est vraiment un changement de vie parce qu’on perd l’habitude de vivre entre 4 murs. Quand je vois les murs blancs, tout neufs, je me dis “c’est trop propre pour moi !”. Ça donne un coup de fouet pour l’entretenir, c’est tellement un cadeau qu’on n'a pas envie de l’abimer, à la moindre trace on nettoie. Je me suis approprié le lieu, plus qu’à faire un peu de déco !  

Toit à Moi, c’est une des seules associations qui existe qui accepte que l’on ait des chiens. Même en foyer de nuit à Bordeaux ça n’existe pas. S’ils n'avaient pas été acceptés je n’y serais pas allé, c’est sûr. Mon plus grand chien a 4 ans, le plus petit a 1 an et demi, j’en ai eu d’autres durant mes 10 ans à la rue...   

J’ai signé un règlement, c’est un contrat mutuel entre moi et Toit à Moi, un contrat de confiance. Si on rentre dans leur logement, c’est vraiment pour s’en sortir, c’est un tremplin. Il ne faut pas croire que c’est un squat, c’est vraiment de la confiance entre nous. Si on a un problème ils sont là, et nous on fait tout pour aller mieux.   

Ma priorité aujourd’hui c’est retourner dans la vie, retrouver un côté humain qu’on perd vite à la rue, et avoir des projets professionnels.  

Pouvoir, un jour, aider à son tour

Quand j’irai mieux, j’aimerais bien être bénévole pour aider les gens en précarité, les SDF, etc. Je voudrais travailler dans le social, aller aider. Parce que je pense souvent aux copains qui sont restés dans la rue... Moi, j'ai eu de la chance dans mon malheur d'être hospitalisé, de rencontrer Toit à Moi, j’ai envie de rendre ce que j'ai reçu. J’aurai gagné mon pari. Je suis optimiste pour l'avenir, il ne faut jamais baisser les bras, il faut se dire que c'est une mauvaise passade, demain ça ira mieux. " 

Photo de Ludovic, le jour de son entrée dans le logement à Bordeaux